Y a-t-il des choses à vivre en thérapie qui font que la thérapie va réussir?
J’aime bien cette question car elle est très simple dans sa formulation. Je vais tenter d’apporter des éléments de réponses en évoquant les travaux de Carl Rogers (psychologue humaniste américain, 1902 – 1987)
Pour répondre à la question, je souhaite commencer par ce qui chez Carl Roger a permis d’installer une indépendance d’esprit et une rigueur scientifique :
Carl est issu d’une famille où règne une atmosphère religieuse et morale très stricte. La famille possède une ferme. Carl se passionne pour ce monde agricole : il lit des ouvrages de gestion, il apprend à faire des expériences, à comparer des groupes de contrôles avec des groupes expérimentaux, à stabiliser les conditions de l’expérience en variant la procédure afin de découvrir l’influence d’une certaine alimentation sur la production agricole. Il apprend combien il est difficile de vérifier une hypothèse. Il acquiert la connaissance et le respect des études scientifiques à travers les travaux pratiques, à la ferme.
En 1922, lors d’un voyage en Chine, Carl se rend compte que des hommes, sincères et honnêtes, pouvaient accepter des doctrines très divergentes en matière de religion. Pour la première fois, Carl se libère totalement des opinions religieuses de ses parents et devient une personne indépendante.
Bref, nous pouvons retenir de la jeunesse de Carl qu’il s’est rendu indépendant d’idée préconçue et qu’il est imprégné de la méthode scientifique permettant de valider une théorie.
Les apports de Carl Rogers sont le résultat de ce qu’il observe en séance :
En début de pratique en tant que psychologue, Carl mène des entretiens avec des enfants envoyés par les tribunaux et services sociaux. Les seuls critères utilisés pour le choix des traitements sont « Est-ce que cela réussit ? Est-ce efficace ? » Nous voyons là qu’il ne s’agit pas pour Carl d’utiliser une méthode de traitement apprise mais plutôt un tâtonnement jusqu’à trouver une méthode qui donne du résultat.
Au fil de sa pratique, Carl se rend compte que ses échecs pour aider d’autres personnes s’expliquent par l’apparition de comportements non en phase avec ses sentiments. Son intervention est plus efficace quand il arrive à s’écouter, à s’accepter et qu’il peut être lui-même. Dans les mêmes années, il se rend compte en observant son propre processus que c’est au moment où il s’accepte tel qu’il est qu’il devient capable de changer. Il constate que les mécanismes qui lui sont personnels parlent aussi aux autres. Il constate que l’expérience des clients rejoint la sienne: être compris permet de s’accepter et s’accepter permet de changer. Pour le résumer : « Plus un homme est compris et accepté, plus il diminue ses styles défensifs et donc plus il change. ». Reste à installer les bonnes conditions permettant au client de communiquer ce qu’il éprouve. Carl constate que par ses propres attitudes, il peut créer une sensation des sécurité grâce à laquelle une communication devient plus aisée.
Un autre principe que Carl découvre au fil des séances est que son appréciation organismique (donc ce que lui dit son organisme, ce qu’il « sent ») est plus fiable que ce que lui dit son intellect. En d’autre termes, lorsqu’ une idée est en contradiction avec un ressenti, mieux vaut suivre le ressenti.
Pour répondre à la question de base, je trouve intéressant de suivre la réflexion de Carl Rogers. L’intérêt que Roger porte à la psychothérapie l’a conduit à s’intéresser à toute sorte de relation d’aide. Il définit la relation d’aide de façon précise et en arrive à la conclusion que le but général est de faciliter la croissance. Ensuite il se pose la question faisant l’objet du présent article : « Qu’est-ce qui, dans la relation, facilite la croissance ? » voici ce qu’il en dit :
- Le changement de la personne se trouve facilité lorsque le praticien est authentique, sans masque, en phase avec les sentiments qui l’animent. Lorsque l’attitude du praticien et ses dires sont en phase avec son ressenti et qui il est, ce praticien est congruent et cela facilite la croissance.
- Lorsque le praticien a une attitude chaleureuse, positive et réceptrice, cela facilite le changement. Lorsque le praticien a un sentiment positif qui s’extériorise sans réserves ni jugements, le praticien a une considération positive inconditionnelle, cela facilite la croissance.
- La troisième condition est celle de l’empathie. Lorsque le thérapeute devine ou perçoit de l’intérieur les sentiments du client, à chaque instant, et qu’il sait communiquer quelque chose de cette compréhension, il est empathique et cela favorise les conditions de croissance. Lorsque le thérapeute arrive à saisir ce que le client éprouve dans son monde intérieur, comme le client le voit et le sent, sans que sa propre identité se dissolve dans ce processus empathique, alors le changement peut s’opérer.
Conclusion :
Roger disait que les études statistiques semblent montrer que ce sont de telles attitudes plutôt que la connaissance et l’habileté technique qui jouent un rôle primordial dans le changement thérapeutique.
Je trouve fascinant le fait que Roger ait découvert par lui – même ce qui nous parait aujourd’hui comme évident. Il a réalisé une véritable démarche scientifique : il part d’observations, il émet des hypothèses et les vérifie. Des études scientifiques menées dans les années 1960 ont confirmé la validité des hypothèses de Roger. Ces études confirment que la présence des 3 attitudes du thérapeute (congruence, considération positive inconditionnelle et empathie) doivent être présentes pour une thérapie réussie.
A ce jour, l’importance fondamentale de ces trois conditions est largement admise. On les considère comme indispensables et bien sûr des techniques de relation d’aide sont à ajouter dans la séance pour mener le processus de changement. En PCI, psychologie Corporelle Intégrative, comme dans la plupart des thérapies humanistes, nous suivons tout à fait cette voie et nos formateurs nous le rappellent sans cesse. Merci à eux pour leur enseignement.
Everard de Biolley, pour mimoka.be
(source : Carl R. Rogers : le développement de la personne. Dunod-InterEditions 2018)